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Après une période de confinement, de nombreuses villes d’Amérique latine commencent à se réactiver et à entrer dans ce que l’on appelle souvent la « nouvelle normalité ». Cette nouvelle normalité s’accompagne de nombreuses mesures et dispositifs qui servent à éviter deux questions fondamentales : les agglomérations et les déplacements.

Une des activités qu’implique généralement de l’agglomération et des déplacements, est d’aller acheter les aliments aux marchés d’approvisionnement. Ces marchés d’approvisionnement sont l’une des préoccupations des mairies depuis les moments les plus aigus de la pandémie. C’est pour cette raison que nombreuses mairies ont mis en place des mesures et des réponses pour faire face à cette situation.

La plupart de ces réponses conjoncturelles ont un grand potentiel de création de valeur et d’innovation, tant au niveau économique qu’au niveau social. Nous pourrions maximiser ce potentiel si nous parvenons à passer d’une réponse conjoncturelle vers une solution permanente. Le facteur clé c’est de développer ces actions dans le cadre d’une stratégie globale. Ces solutions deviennent ainsi des actions tactiques qui s’inscrivent dans une orientation stratégique durable. Et là nous parlons d’urbanisme tactique.

Dans cette perspective, je voudrais développer dans cet article cinq propositions qui ont été définies dans des contextes différents, mais toutes selon une même logique qui est celle d’éviter les foules sur les marchés et de limiter les déplacements.

La première proposition est appelée « Micro Marchés Hyper Localisés », et a été développée par l’agence d’architecture et d’urbanisme Shift de la ville de Rotterdam.

Micro Marchés Hyper Localisés – Shift Agence d’Architecture et d’Urbanisme

La proposition consiste à utiliser des places ou des espaces publics pour offrir à la vente des aliments frais, et parfois des produits de première nécessité. Grâce à un tracé de 16 grilles formant un grand carré, avec 3 postes de vente sur 3 côtés (1 de chaque côté). Chacun de ces points de vente dispose d’un espace où l’utilisateur demande le produit et d’un autre où il le récupère et paie.

Le quatrième côté du carré est utilisé comme seul point d’accès. Un maximum de 6 personnes est autorisé à l’intérieur du carré, les autres utilisateurs devront faire une file d’attente avant de pouvoir entrer, en gardant la distance recommandée. Il y a 2 points de sortie qui facilitent la circulation et réduisent au minimum le contact.

La polyvalence de cette proposition permet de mettre en œuvre le modèle sur différentes places (et espaces publics du quartier), et de reproduire les installations en différents points de la ville. Cette expérience a été mise en œuvre pendant la période de confinement aux Pays-Bas en étant très bien accueillie, surtout par ceux qui ne pouvaient pas se déplacer dans les supermarchés et qui avaient comme seul point d’accès à ces produits dans ces espaces ouverts.

La deuxième proposition que je voudrais vous présenter est appelée : « Centres d’approvisionnement linéale et temporales » est développé conjointement par l’Ordre des Architectes du Pérou et l’Université des Sciences et des Arts d’Amérique Latine – UCAL. Rudolf Giese, directeur de la faculté d’architecture de l’UCAL, a fait des déclarations au quotidien Perú21, d’où j’ai pris les images suivantes pour présenter cette proposition.

Centres d’approvisionnement linéale et temporales – Ordre des Architectes du Pérou et l’Université des Sciences et des Arts d’Amérique Latine – UCAL

Dans un archétype modulaire linéaire comme nous pouvons le voir, la ligne jaune représente le circuit à suivre depuis l’entrée, en passant par une zone de désinfection et en suivant un circuit de pâtés de maisons où des véhicules sont garés sur un seul côté de la rue où les commerçants sont établis par différentes catégories (représentées en bleu). Dans cette proposition il y a une seule entrée, et plusieurs sorties (signalées par les flèches blanches).

Cette proposition varie selon la zone à disposition : par exemple, des dalles ou des espaces sportifs (en utilisant les bords pour établir les stands de vente); elle peut aussi être dans les parcs (en plaçant les stands sur les bords), les coins ou les carrefours de rue, et aussi les avenues. Toutes ces variations suivent un même schéma linéaire avec un seul accès, une zone de désinfection, un circuit interne et plusieurs sorties.

La troisième proposition, intitulée « Foires de la ville », a été lancée par la municipalité de Buenos Aires. Suivant un modèle dont ils dérivent ; les Foires Municipales.

Ces foires de la ville consistent en l’« élargissement » des trottoirs, en plaçant des modules démontables sur un seul côté de la rue, où ne sont offerts que des aliments frais. Les utilisateurs se trouvent à une certaine distance des vendeurs, auxquels ils remettent leurs sacs et leurs chariots d’achat pour que les vendeurs placent à l’intérieur les produits commandés. Le paiement et la collecte des produits se fait dans une petite cabine adaptée pour réduire le contact.

Pour que ce système fonctionne, il faut des rues larges permettant la circulation des usagers et éventuellement des véhicules.

La quatrième proposition est appelée « Marchés mobiles de la ville de La Paz ». Les marchés mobiles sont répartis dans les 7 macro districts de la ville (à raison de 4 quartiers par jour). Une flotte de camions emmène les producteurs et les négociants de produits industriels dans les quartiers les plus éloignés des centres de ravitaillement traditionnels.

Calendrier des services – marchés mobiles de La Paz

La municipalité organise les producteurs et coordonne avec les sous-mairies les dates et les heures d’ouverture dans chaque district. Une particularité de ce modèle est la complémentarité dans l’offre de produits, car il y a, à la fois des aliments, et des produits industriels de première nécessité.

La municipalité de La Paz étudie actuellement la possibilité d’intégrer cette pratique dans la politique municipale des centralités urbaines, en évaluant la demande d’application du dispositif de la part des utilisateurs et des producteurs.

La cinquième proposition que je voudrais vous présenter est intitulée “Centres de distribution pour mobilité légère”, est une proposition que j’ai moi-même élaborée et que je voudrais vous présenter. La proposition consiste à réorganiser un service qui existe déjà et qui est fourni par les « charrettes » : les vendeurs ambulants de fruits et légumes dans la ville. Il s’agit d’un personnage récurrent dans la plupart des villes d’Amérique latine.

Pour illustrer ma proposition, j’ai pris un secteur du district de « Carmen de la Legua » au Pérou. J’ai divisé cette zone (de manière arbitraire) en 3 secteurs, marqués des couleurs jaune, vert et rouge.

Carmen de la Legua – sectorisé

Dans chacun de ces secteurs, j’ai identifié un espace comme lieu de stockage des produits alimentaires, dans ce cas les points choisis étant des terrains de sport. À partir de ces points de stockage, des flottes ou des escadrons de chariots ou de tricycles partiraient quotidiennement et de manière cadentielle pour distribuer/offrir les produits aux maisons, en suivant des itinéraires préalablement établis. Une fois les produits livrés, ils peuvent retourner au centre de stockage pour recharger leur unité et repartir.

Cette méthode offre principalement d’acheminer les produits vers les maisons, de manière ordonnée et de manière prédictible, car étant un itinéraire défini et assigné à un vendeur, les utilisateurs peuvent connaître le vendeur et les horaires de son parcours.

Les magasins du quartier pourraient se joindre en tant que partenaires de manière progressive en remplissant différents rôles, par exemple comme points de relais ou de liaison, ou comme points de collecte et de distribution de colis lorsque les utilisateurs ne sont pas là, pour une raison quelconque dans leurs maisons pendant les heures du service de livraison.

Cette proposition requiert un haut degré d’engagement (de la municipalité) car il faut organiser la distribution, les circuits et les vendeurs. Et son potentiel est assez élevé non seulement pour fournir un service aux voisins, mais aussi pour assurer des revenus économiques au secteur commercial de manière innovante. Il permet également de renforcer le tissu associatif et c’est une activité très faible en émission de CO2. Tous ces points rendent cette initiative durable sur les plans économique, social et environnemental.

Enfin, pour que ces 5 propositions d’urbanisme tactique puissent être un levier d’innovation, il faut une stratégie basée sur trois piliers :

Le premier est le leadership du pouvoir publique local. Je sais qu’il existe un niveau de leadership du secteur privé ou qu’il existe de nombreuses initiatives du secteur associatif, des ONG, des universités et même des églises, mais dans ce cas, il faut un engagement direct du pouvoir publique parce qu’il faut réaliser de nombreuses actions de coordination, mais aussi de nombreuses actions de régulation (de prix, du pois, des conditions de travail…). Il s’agit de multiples dimensions que seule la puissance publique peut assurer.

Le deuxième pilier est que ce service doit être mis en place en réseau. Pour qu’il puisse être économiquement durable, il est absolument nécessaire que le service soit mis en œuvre par un réseau d’acteurs, ce qui assurera une fluidité et une continuité dans l’approvisionnement et dans la distribution et en même temps gérer entre toutes les externalités que ce type d’activités peut générer.

Le troisième pilier c’est que chaque proposition doit être considéré comme une solution intégrale. Parce qu’il faut aborder le problème de manière multidimensionnelle et en concentrant l’action dans différents domaines : santé, hygiène, commerce, réaménagement urbain, mobilité, sécurité, normes de coexistence, … et beaucoup d’autres éléments de cette « nouvelle normalité ».

Si vous avez besoin de plus d’informations sur chacune de ces propositions, n’hésitez pas à me contacter dans la section « commentaires » et je répondrai avec plaisir.

5 PROPOSITIOSN D’URBANISME TACTIQUE : pour éviter des agglomérations sur les marchés d’approvisionnement

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